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✝ Gloom in Bloom IV ✝
2 novembre 2010

Wie der Goth auf Urlaub - ou l'article de trop.

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Copie_de_Edinburgh_198

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J'entends le troll, le relou et le golgoth, j'entends le troll et le relou chanter!

Non, en fait non ; je sais bien qu'encore une fois, si commentaires il y a sur cet article (j'ai perdu tous mes réguliers suite à six mois de silence), ce seront bien entendu des commentaires intelligents, construits et argumentés (franchement, vous êtes pas drôles). A vrai dire, le troll n'est pas sur Kinoglaz, mais plutôt en bas de chez moi. Dans le métro. Au lycée. Sur le chemin du métro au lycée. Au comptoir du bar. PARTOUT. Aujourd'hui, chers cancrelats frétillants, je propose de crever l'abcès (mmh!) et d'aborder un sujet que j'ai su éluder en bientôt trois ans de carrière bloguesque.

 

I AM GOTHIC!
I am pale!
I am scary!
I'm insane!
I'm a loner!
I am cold!
I feel special when people don't phone!

 

Rétrospective. Le ver était dans la pomme dès ma petite enfance. Un goût immodéré pour le surnaturel (les revenants surtout) et la macabre, la vie à proximité de quelques évènements vaguement traumatiques, le visionnage  précoce d'un ou deux films à l'esthétique sombre, et mon pedigree "ANORMALE" validé par mes géniteurs et par moult psy, instituteurs et camarades de classe (injustement, d'ailleurs) - ont favorisé une sensibilité à cette esthétique dite gothique.

Les premiers symptômes visibles sont apparus chez moi à cet âge pittoresque où l'on ferait n'importe quoi pour devenir n'importe qui : treize ans et demi (ça ne s'invente pas). J'étais, au milieu de mon année de troisième, une petite créature au teint blême et au cheveu morne, victime du monde entier, attristée et ternie par trois années d'ennui mortel dans un collège privé. Je menais, donc, une non-existence dans un univers en vase clos auquel je n'avais pas l'impression d'appartenir. Âge de merde. Année de merde. Pour rien au monde je ne voudrais revivre mes treize ans.

Je craquais. Ma dépression préadolescente n'avait rien d'une rébellion : c'était, au contraire, un enlisement obstiné dans ce quotidien chiant et étriqué, une négation de ma personne, une volonté de disparaître à l'intérieur du moule, de ne plus exister du tout plutôt que de continuer à jouer un rôle qu'on m'avait imposé. Je rêvais de me jeter sous une voiture, un jour, comme ça, sans préavis. Ils auraient tous été drôlement surpris.
Mais enfin. Tout le monde n'a pas l'art de mourir, et visiblement, je n'étais pas assez motivée pour faire définitivement partie des unhappy few. Un jour où j'étais fatiguée de souffrir, plutôt que de mourir et de pourrir dans ma chrysalide à la con, j'ai décidé d'entreprendre ma métamorphose en papillon. Un papillon gothique.

"Gothique" : tous mes espoirs, tous mes idéaux tenaient dans ce mot et dans tout ce qu'il m'évoquait. Bien entendu, je ne l'admettais pas, parce que ça craignait à mort de s'identifier uniquement à un style vestimentaire (soyons honnête, j'en connaissais pas beaucoup plus) ; je ne voulais pas passer pour immature, je jouais les détachées. Pour sortir de ce "moi" que je ne supportais plus, je me suis donc accrochée comme une sangsue à ce mot : "gothique". Qui n'était pas beaucoup plus qu'un mot. Mais peu m'importait ; et par ailleurs, dans mon ensemblescolaireprivécatholique, il suffisait d'un jogging pour être admis comme caïra, d'un string pour être estampillée fille facile et de mitaines en résille pour être éminemment gothique - mes petits camarades n'étaient pas très regardants sur les nuances. Je portais un collier à piques (1 cm), une minijupe noire et des Vans. J'avais quatorze ans, j'écoutais Rammstein, j'assumais mon titre de Seule Gothique du Collège jusqu'au bout de mes ongles vernis en noir ; et j'avais beau être une chenille visqueuse et maladroite, j'avais chaque jour l'impression de me rapprocher du papillon. Je me donnais du mal pour bien jouer mon rôle et pour donner un but à ma présence sur Terre, et bordel, j'avais enfin l'impression d'exister un peu.

Je suis donc rentrée au lycée, avec mon insolence, mon mauvais goût et mon look assez inabouti. J'ai rencontré mon doppelgänger badass : Moondie, la seule personne qui (tout en se foutant de moi intérieurement, 'culé va!) me faisait découvrir de la musique cool plutôt que de questionner mes choix. J'ai commencé, pour ma plus grande satisfaction inavouable, à me faire emmerder dans la rue. C'est également en seconde que j'ai acheté, pour une petite fortune essentiellement payée en pièce de 1€, ma première Robe Gothique. Puis que, comble de joie, mes parents ont cédé à m'offrir des Dr. Martens 14 trous.

J'étais encore dépressive. Et complexée et instable. Mais j'avais réussi à jouer mon rôle, j'étais Gothique et satisfaite. Et, donc, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'en foutre.

Ma priorité en 1ère fut de me cultiver musicalement : j'avais pris conscience de mes lacunes dans ce domaine. (Bon, inutile de me voiler la face : ma remise à niveau n'a pas été très efficace.) Sortir sans maquillage et sans tentative de tenue élaborée commençait à être supportable, parce que j'ai commencé à négliger le fait que mon apparence ne suive pas EXACTEMENT et SYSTÉMATIQUEMENT ma personnalité. J'ai (finalement, et encore, pas parfaitement...) compris que mon estime de moi-même comptait plus que celle des gens que je croisais dans le métro ou au lycée.

Notons que, jusque là, j'avais fait cavalier seul dans mon undergroundisme - d'où, d'ailleurs, mon retard et ma lenteur dans plein de domaines, puisque j'ai dû m'éduquer toute seule aux Rules of Goth, huhu. Je ne le regrette pas. Mais je reconnais que, malgré la fierté arrogante que je tirais de cette solitude, sur la fin, j'en pouvais plus. C'est donc en terminale que j'ai commencé à sortir de chez moi, et à m'intéresser de plus près à la faune alternative lilloise. Cette entreprise ethnologique confirma mes soupçons : un look extrême n'était pas synonyme de personnalité extrême ; on pouvait arborer un pendentif Biohazard sans être toxique, une chemise à jabot sans être noble et un collier à piques sans être intéressant ; en somme, qu'on rencontrait des cons, des moins cons, et parfois des personnes passionnantes. Comme dans tous les milieux, ni plus ni moins. Sauf que ces gens-là écoutaient en général la même musique que moi. C'était la dernière chose que j'avais à savoir.

 

En un mot, si un jour un enragé de douze piges vous dit "on naît gothique, c'est un truc qu'on a dans le sang", pointez-le du doigt et riez. Je ne pense pas que l'on puisse, de tout son être et en toute sincérité, être gothique. Si l'on est gothique, on ne peut pas être autre chose qu'un cliché ; bref, on est rien du tout. Le terme "gothique" devrait évoquer un cheminement vers un idéal - que cet idéal soit esthétique, culturel, musical, peu importe, chacun en a son interprétation. C'est un jeu constant sur le "normal" et l'"anormal". On parodie les normes d'une majorité, pour se conformer à celle d'une minorité ; et parce qu'on a conscience de leur caractère de norme, on joue à les transgresser, ou au contraire à les respecter obstinément pour mieux s'en moquer. Et plus on s'en joue, plus les nuances deviennent subtiles, jusqu'à ce que la normalisation "gothique" perde tout son sens. Ainsi, c'est au moment où l'on arrête de vouloir à tout prix échapper à sa condition de chenille que l'on devient un papillon - une créature en voie d'aboutissement. Un être conscient de son individualité.

Les étiquettes ont la valeur qu'on leur donne. Les gens qui s'accrochent à des étiquettes sont stupides ou ignorants ; et c'est pour cette raison qu'être étiquetée "gothique", encore aujourd'hui, ne me dérange pas le moins du monde. Ceux qui s'y arrêtent, de peur ou de mépris, ne sont pas dignes d'intérêt. Ceux qui passent outre le sont déjà plus. Le monde est un théâtre, disait à peu près Shaskespare, et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. Ceux qui ont vu Noriko's Dinner Table (cf. 3'20'') comprennent tout particulièrement ce que que je veux dire. Simplement, les gens peuvent se contenter de constater quel rôle on joue - ou s'intéresser à la manière dont on le joue.

Je pense que si la Déterrée de début 2007 profitait d'une faille spatio-temporelle pour venir me rendre visite en cette fin 2010, elle serait assez satisfaite (non, en fait elle serait juste ÜBER-TROP-EN-MODE-GROUPIE) de son moi du futur, de sa future apparence, de son futur état psychologique et de son évolution intellectuelle. C'est vraiment plaisant de me dire que je pourrais me présenter sans honte à la personne que j'étais il y a quatre ans. ("Bonjour Victoria, je suis ton moi du futur ; en 2010, tu iras à des concerts de black metal, tu porteras des corsets et des Invaders et tu te taperas un chanteur-guitariste canon.") Il serait hautement putassier de ma part de renier ce qui m'a aidée à en arriver là. That's all folks! :]

 

Bon. J'ai merdé, parce que ceci n'est pas le treizième article, mais le quatorzième. Il n'empêche qu'il a été publié le jour de la fête des morts. Quelle est la différence entre un goth et un Mon Chéri?

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Commentaires
C
Effectivement...<br /> <br /> Mais le Mon Chéri a pas un goût de Bloody Mary... (rho je sais, je joue sur les clichés...)(mais bouffer un mon chéri ou un goth, hein, pensez aux vampires...)(oui bordel, encore plus de clichés...)(ou alors bouffer son chéri quand on est goth... ou vampire...)(je sais plus)
L
Nai a parlé.
N
Aucun, ils sont tous les deux noirs à l'extérieur, et plein d'alcool à l'intérieur...<br /> <br /> :)
C
Ah bah... ^^ Ca fait drôle d'être repéré comme ça ;)<br /> <br /> Oui, moi je veux la réponse du Mon Chéri...
L
Oh, Mister ChomChom ici :3<br /> <br /> Merci ce commentaire fort flatteur. Bon... je donne la réponse pour le Mon Chéri? x)
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